Le recyclage des eaux résiduelles de béton : une solution durable et économique pour l’industrie de la construction
- 6 janvier 2025
- Envoyé par : Emelyne CHEVALIER--SEURE
- Catégorie: Recyclage
En 2023, la production de béton s’est élevée à environ 22 millions de tonnes. Cette quantité démontre l’importance du béton et un certain engouement pour l’industrie de la construction, avec une large utilisation dans divers projets d’infrastructure et de bâtiment. Malheureusement, une quantité conséquente de béton reste dans le tambour du malaxeur, ce qui représente un important résiduel non recyclé. La production de béton consomme beaucoup d’énergie et d’eau, ce qui en fait l’une des industries produisant le plus de CO2, soit 5% des émissions dans le monde. Les eaux résiduelles de béton avec un pH important sont souvent considérées comme des déchets qui ne peuvent être éliminés que dans des centres de traitement spécifiques. Depuis plusieurs années, l’ensemble de ces déchets peut être recyclé et réutilisé, offrant ainsi une solution durable pour réduire l’impact environnemental de cette industrie.
Pourquoi recycler les eaux résiduelles de béton ?
La production de béton est une source importante de pollution de notre écosystème. La norme européenne qui réglemente le recyclage des eaux résiduelles de béton est la EN 1008:2002. En France, le recyclage des eaux résiduelles de béton est principalement encadré par la norme NF EN 1008. Cette norme spécifie les exigences pour l’utilisation de l’eau, y compris l’eau recyclée, dans la fabrication du béton. Elle couvre les aspects de prélèvement d’échantillons, de contrôle et d’évaluation de l’aptitude de l’eau comme eau d’addition dans le béton.
Cette norme est essentielle pour garantir que l’eau utilisée ne compromette pas la qualité du béton produit et qu’elle respecte les critères environnementaux et de sécurité. Pour limiter la dégradation de notre environnement, les industriel·le·s du béton sont encouragées à trouver des solutions.
Les eaux résiduelles de béton proviennent essentiellement des opérations de nettoyage des équipements, des surplus de béton et des processus de mélange. Ces eaux peuvent contenir des particules de ciment, de sable et des adjuvants chimiques, rendant leur traitement et leur évacuation complexes. Sans une gestion adéquate et rigoureuse, elles peuvent polluer les ressources en eau et contribuer à la dégradation de l’environnement.
De plus, le recyclage des eaux résiduelles provenant du traitement des résiduelles de béton et des bétons non conformes permet non seulement de rejeter l’eau dans le circuit des canalisations E.U., mais également, de générer une économie issue des frais d’élimination des galettes qui peuvent être réduites en poudre et réutilisées dans la production de béton tout en veillant au bon équilibre des matières dans les recettes, comme indique le groupe de Berding Beton. L’eau, une fois recyclée, peut aussi être réinjectée dans le circuit de la production et utilisée pour le lavage du matériel et notamment des cuves de malaxeurs.
Les normes gouvernementales et européennes poussent à créer des actions de recyclage des eaux résiduelles de béton pour servir les ambitions de créer un cycle vertueux.
De la même manière, les industriel·le·s du béton peuvent désormais disposer d’un cycle de traitement pour valoriser les produits après le recyclage et d’avoir une unité de production générant zéro déchet.
Les défis de l’eau résiduelle de béton recyclée
Le recyclage des eaux résiduelles est très important pour une meilleure gestion des ressources en eau et pour une économie en matières premières.
Qualité de l’eau
L’eau recyclée doit respecter des normes strictes de qualité, particulièrement en termes de pH, de teneur en chlorures et en sulfates, pour ne pas compromettre les propriétés du béton. Si l’eau recyclée vise à être rejetée dans le circuit des canalisations, alors elle doit avoir un pH compris entre 6,5 et 9,5. Si l’eau obtenue par le recyclage est de mauvaise qualité, cela peut compromettre les propriétés mécaniques et la durabilité du béton produit.
La densité de l’eau chargée
En fonction des étapes du recyclage, l’eau chargée peut être réutilisée dans la composition de la recette du béton, le tout en veillant à la teneur en M.S. (chlorures et sulfates, notamment) dans l’eau et à la densité de l’eau. De plus, selon les objectifs finaux de la production de béton, les consistances du béton peuvent varier entre les fabricants. En effet, pour KUTTER GmbH & Co. KG, la consistance parfaite du béton, la densité de l’eau de béton doit être comprise impérativement entre 1,05 et 1,06, comme l’indique Wolfgang Mayer, responsable de la technologie et du béton frais du site de Darast à Woringen. Quant à l’expert en technologie de la fdu, Ulrich Meier, ses recherches montrent qu’une densité constante de 1,01 à 1,02/litre est préconisée pour obtenir la meilleure consistance du béton.
Si la densité de l’eau résiduelle est trop élevée en M.S. selon les indices de référence pour la constitution du béton, alors des résidus se déposent dans les conduites d’eau et dans la balance à eau, ce qui constitue un fort inconvénient dans la production de béton. Ainsi, tout le système se retrouve encrassé. En outre, si les sédiments sont trop denses, la maniabilité du béton va être plus limitée et sa résistance va être plus faible qu’un béton à la composition traditionnelle (liant + eau pure).
Présence de contaminants
Les contaminants tels que les résidus de ciment ou des particules fines peuvent altérer la qualité de l’eau recyclée et, donc, celle du béton produit. Ces contaminants peuvent affecter la composition chimique de l’eau de gâchage et, ainsi, diminuer la qualité du béton. C’est pour cette raison que cela est crucial de mettre en place des systèmes de traitement efficaces pour éliminer ces impuretés afin de ne pas compromettre les performances et la qualité du béton.
Coût des technologies de traitement des eaux résiduelles de béton
Les technologies nécessaires pour traiter et recycler l’eau de lavage des résidus de béton peuvent être coûteuses, ce qui peut représenter un obstacle pour certaines entreprises, mais, nous pouvons le voir comme un investissement sur le long terme viable et économique. Lorsque l’on calcule les coûts, on s’aperçoit très vite de l’économie réalisée grâce au réemploi des eaux résiduelles de béton et des M.S. réduisant et une consommation réduite de ciment. Prenons l’exemple de l’entreprise allemande de prédalles et de prémurs en béton armé, fdu, qui réalise une belle économie sur l’achat du ciment : 650 tonnes de ciment et 360 tonnes de CO2 par an. Avec le système de recyclage mis en place par notre fournisseur, AJF, l’entreprise réduit ses coûts pour l’enlèvement des déchets, notamment puisque la quasi-totalité est réutilisée dans la production de béton. Si l’on utilise le CWAS, le filtre-presse breveté par AJF, l’eau résiduelle est réutilisable à l’infini dans son entièreté.
Réglementations strictes
L’utilisation de l’eau recyclée dans la production de béton est soumise à des réglementations strictes. L’objectif de ces régulations est de s’assurer que l’eau de recyclage ne nuise pas à la qualité du béton et à la sécurité des structures construites. Respecter ces normes peut être complexe et nécessite une surveillance continue et des tests réguliers.
Variabilité de la qualité
La qualité de l’eau recyclée peut varier en fonction des matériaux d’origine et des procédés de recyclage utilisés. Cette variabilité peut affecter la consistance et la performance du béton produit. C’est donc crucial de contrôler rigoureusement le processus de recyclage pour assurer une qualité constante de l’eau.
Comment recycler les eaux résiduelles de béton ?
Le recyclage des eaux résiduelles de béton est essentiel pour réduire l’impact environnemental de la production de béton. Des normes ont été mises en place par l’Union Européenne et le gouvernement français pour répondre à l’importance de la préservation de l’environnement.
Afin d’honorer les normes pour la protection de l’écosystème, plusieurs solutions existent :
- La laveuse ou le bassin de décantation,
- Le filtre-presse,
- La station de microfiltration par un filtre à sable,
- Le système de neutralisation du pH au CO2.
Les restes de béton issus des camions-toupie ou des productions sont introduits dans la laveuse, RE_X, ou dans le bassin de décantation. Une fois les éléments séparés, l’eau chargée est stockée dans un bassin muni d’un agitateur permettant le maintien des M.S. en suspension. Ensuite l’eau chargée comportant ces particules fines (M.S.) est transférée dans le filtre-presse, CWAS. Ce système de recyclage permet de séparer les minéraux inférieurs à 250 microns de l’eau et les compresse pour les transformer en galettes1. L’eau est filtrée et devient claire grâce aux poches filtrantes présentes dans le filtre-presse. Lors de cette étape, l’eau est toujours impropre pour le rejet dans les cours d’eau ou les canalisations E.U. Elle est utilisable pour le nettoyage des cuves de malaxeurs ou pour la production des bétons. En revanche, une grande partie des sédiments peut être réemployée dans les recettes à cette étape du recyclage des eaux. Un traitement innovant ciment-eau, tel que le CWAS breveté par AJF, assure une faible densité de l’eau recyclée du béton tout au long de l’année. Cela permet d’utiliser l’eau résiduelle jusqu’à 100%, ce qui garantit une excellente qualité de béton tout en créant un cycle continu.
Si l’on souhaite que l’eau puisse être réinjectée dans le circuit des canalisations E.U ou réseaux spécifiques, un traitement des dernières particules fines de l’eau est nécessaire grâce à la station de microfiltrage à sable. Près de 90% des particules en suspension supérieures à 40 microns comme le sable, le ciment ou le fer oxydé, sont éliminées. Le processus de filtration s’effectue dans un réservoir pressurisé, où le quartzite subit une saturation progressive. Lorsque l’eau est complètement débarrassée de ses particules et que le filtre à sable est saturé de saleté, la station de microfiltration procède à un nettoyage automatique. L’eau circule alors dans la colonne, ce qui permet de rétablir les conditions de fonctionnement initiales.
À ce stade, l’eau est toujours impropre au rejet dans les E.U. puisque le pH est encore évalué à 13 alors que les normes environnementales exigent qu’il soit situé entre 6,5 et 9,5. Cela est dû au fait que le ciment actif possède une valeur considérablement alcaline. Un traitement de l’eau existe pour atteindre ce pH : le système de neutralisation du pH par le CO2. Ce système consiste à purifier l’eau et à atteindre un pH afin que l’eau puisse être réintroduite dans le réseau d’égouts (E.U.) ou dans l’écosystème. En général, les eaux usées alcalines peuvent être neutralisées par des acides. Le CO2, en formant de l’acide carbonique lors de son contact avec l’eau, neutralise l’eau alcaline par divers processus chimiques. Son utilisation est particulièrement efficace pour les eaux résiduelles de béton puisqu’un système tampon est formé afin de réduire les risques de surdosage. Aucune substance nocive n’a été produite grâce à cette méthode écologique.
En suivant ce traitement, l’eau peut réintégrer le circuit des eaux usées locales ou réutilisée directement dans les étapes du processus du béton, comme l’indique le rapport effectué par AJF auprès de l’un de ses clients équipés par ce système de traitement des eaux résiduelles de béton. Le groupe Berding Beton indique réaliser des économies significative grâce à la réutilisation de l’eau dans son processus du béton et aux coûts en élimination clairement inférieurs des galettes de filtration, générés par l’installation du système complet d’AJF (le filtre-presse, la station de microfiltration par un filtre à sable et le système de neutralisation du pH au CO2). De plus, cela lui permet d’assumer sa part de responsabilité écologique. Selon les études, en recyclant les eaux résiduelles de béton, la consommation d’eau de source peut être diminuée d’environ 17 à 20% et une réduction de l’utilisation du ciment est constatée.
1 Les galettes peuvent être réduites en poudre et réintroduites dans les recettes de béton sans altérer la qualité supérieure du béton.
L’industrie du béton a dû se réinventer face aux défis environnementaux et économiques, en grande partie grâce aux normes européennes et gouvernementales. Cela a conduit à l’émergence de nouveaux secteurs, comme le recyclage du béton et des eaux résiduelles. Ces initiatives ont prouvé leur efficacité dans la préservation de l’écosystème autour des sites industriels et ont permis de réduire les coûts liés à l’approvisionnement en eau et à l’élimination des déchets de béton. Cependant, le recyclage des eaux de béton présente des défis importants, tels que la gestion de la qualité de l’eau, l’élimination des contaminants, les coûts de traitement, le respect des réglementations et la variabilité de la qualité. Avec des solutions innovantes et une gestion rigoureuse, cela est possible de maximiser les avantages environnementaux et économiques tout en minimisant les inconvénients.